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Le temps qui passe
28 février 2011

Sous aucun prétexte, je ne veux...

Parfois, on se souvient soudainement.

Je racontais cette histoire tant de fois racontée, mon frère, les mouches chez lui, son escapade chez la voisine, morte. Avant Noël, en 2006 je crois. Ce même jour où l'on s'était tous réunis chez mes parents, ma soeur avait vu un chien se faire renverser devant elle et l'avait secouru. "Et toi?" Moi, je n'avais rien vécu de foufou avant d'arriver.

Je racontais ça, et le fait que moi, je n'avais donc rien vécu de foufou avant d'arriver à Sylvains-les-Moulins. Une pensée, furtive, "qu'est-ce que j'aurais de ce genre à raconter moi?" une autre pensée a succédé à cette interrogation, instantanée. J'ai vécu des choses, pas forcément fofolles, mais fortes oui. Ce souvenir immédiat qui est remonté sans prévenir.

J'avais bientôt 16 ans, pas encore. J'étais en seconde. Un ami de jeunesse (adolescence si je ne me trompe) de ma mère avait eu un cancer des poumons. Peut-être d'ailleurs, mais je crois que c'était les poumons. Ce n'est pas ce qui me reste de lui, la localisation de son cancer. Il avait guéri. Puis il avait rechuté. Sans espoir de guérison. Olivier. Jusqu'à ce que je m'émancipe des jours de l'an familiaux (hum, c'est à dire, 1 ou 2 ans avant cette histoire...), la fête se déroulait avec la bande d'amis d'adolescence de ma mère. C'était la tradition. Pour moi Olivier c'était les jours de l'an,  les jours de fête, les  soirées où les adultes riaient, les repas du midi dans la bonne humeur. L'histoire de la grenouille à grande bouche. Il aurait pu être mon oncle. Visage récurrent avec lequel on grandit sans même s'en apercevoir. Jusqu'au jour où on le réalise.

Un week-end. Début d'année 1998.  Ma mère me dit que bientôt, Olivier va mourir. Que les faire-part sont prêts, ne manque que la date qu'Olivier choisira.Je lui demande alors le numéro de téléphone. "Tu tomberas d'abord sur Annick de toute façon".

Je suis retournée au lycée. J'étais interne. Je me souviens avoir emprunté la carte téléphonique de Caroline. Je ne sais plus pourquoi je n'en avais pas ce jour là. Je suis allée dans la cabine téléphonique du lycée, et j'ai appelé. C'était une évidence pour moi. Pourtant, je savais que ce n'était pas simple. C'était la période du bonne année, il ne la finirait pas. Du bonne santé, il ne l'avait pas. Comment ça va? On connait la réponse. J'ai pris le combiné sans vraiment savoir ce que je dirais. Sonnerie. Sonnerie. Décrochage. C'était lui. Je ne m'y attendais pas, persuadée que ce serait Annick et que j'aurais quelques instants de répit. Battement de coeur très fort. "C'est Leïla." Etonnement et contentement à l'autre bout du fil. Il ne s'y attendait vraiment pas, évidemment. Et puis d'un coup, l'évidence, pas besoin de chercher les mots, qui sont venus d'eux-mêmes parce que c'était ceux-là que j'avais au fond, ceux là qui m'avaient fait prendre le combiné. "Je voulais juste te dire que même si ça fait longtemps que je t'ai pas vu, je t'oublie pas et je pense à toi. Je t'aime." Il m'a dit qu'il m'aimait aussi, et tout était dit. Les mots en plus auraient été en trop. On le savait alors on s'est juste dit au revoir car c'est plus doux qu'adieu, et qu'on a parfois besoin de croire à ce qu'on sait impossible.

Quelques temps après (pas très longtemps je crois), il s'est propulsé avec sa voiture contre un arbre. Il avait choisi sa date. J'ai pleuré, j'ai été triste, mais j'avais en moi une certaine sérénité malgré tout. Parce qu'on a pas toujours la chance de pouvoir dire au revoir, et là, j'en avais eu le temps. Olivier partait sur un bel au revoir.

Maintenant encore, ce furtif coup de fil, même s'il me fait toujours autant pleurer quand j'y pense, me fait toujours autant plaisir.

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Commentaires
T
C'est très joliment raconté, et touchant.
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